La faculté de la HALDE de présenter des observations devant les juridictions est conforme au principe du procès équitable

Publié le par JP

Cass. soc., 2 juin 2010, Société Yusen air & Sea service, HALDE, n° 08-40.628, Publié.

NOTE :

 

Instituée par une loi du 30 décembre 2004 (L. n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, JO n°304, 31 déc. 2004, p. 22567 ; modifiée par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, par la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 et par la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009), la HALDE dispose de nombreuses prérogatives. Parmi celles-ci, on peut citer, sans être exhaustif, la possibilité de demander « des explications à toute personne physique ou à toute personne morale de droit privé mise en cause devant elle » afin de recueillir « toute information sur les faits portés à sa connaissance » (Art. 5, L. n° 2004-1486 du 30 décembre 2004), apporter une assistance à la victime pour faire valoir ses droits (Art. 7, L. n° 2004-1486 du 30 décembre 2004) ou encore « procéder ou faire procéder à la résolution amiable des différends portés à sa connaissance, par voie de médiation » (Art. 7, L. n° 2004-1486 du 30 décembre 2004).

Outre les différentes facultés qui viennent d'être énoncées, la HALDE dispose de celle de demander à être entendue par les juridictions civiles, pénales ou administratives, lorsque ces dernières sont saisies de faits relatifs à des discriminations. Dans ce cas, cette audition est de droit (Art. 13, L. n° 2004-1486 du 30 décembre 2004). C'est sur la mise en œuvre de cette audition que porte le litige tranché dans une décision du 2 juin 2010 par la chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 2 juin 2010, Société Yusen air & Sea service, n° 08-40.628, Dr. soc. 2010, pp. 992-994, obs. J. Mouly, JCP S 2010, 1241, note G. Loiseau). Aux termes de cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation a statué en faveur de la conformité de ce pouvoir au regard du droit européen des droits de l'homme et du droit social de l'Union européenne (I). Par ailleurs, cette prérogative n'est pas soumise à un contrôle de recevabilité (II).

 

I – La conformité de l'article 13 de la loi aux normes internationales et européennes

 

 

Ce n'est pas la première fois que l'article 13 de la loi de 2004 est soumis à la discussion. Dans un contentieux pénal où il était question du champ d'application temporel de ce texte, il avait été soutenu que l'avis émis par la HALDE ne pouvait pas porter sur des faits antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi créant cet organisme. Selon un arrêt du 24 janvier 2007 (Cass. crim., 24 janv. 2007, Caisse d'épargne et de prévoyance Provence-Alpes-Corse, n° 06-88.080, Bull. crim., n° 19, p. 60, AJDP n° 3, mars 2007, pp. 130-131, obs. G. Roussel, Dr. pén. n° 4, avr. 2007, pp. 18-19, obs. M. Véron), la chambre criminelle avait rejeté ce grief en considérant que « l'article 13 de la loi du 30 décembre 2004, qui prévoit la possibilité pour les juridictions civiles, pénales ou administratives d'inviter la HALDE à présenter des observations sur les faits dont elles sont saisies, ne contient que des dispositions de procédure fixant les modalités des poursuites et immédiatement applicables, au sens de l'article 112-2 du code pénal, aux infractions commises antérieurement à son entrée en vigueur ».

Quant à l'arrêt rapporté en date du 2 juin 2010, celui-ci répond à la question de la conformité des principes présidant au fonctionnement de la HALDE aux normes internationales et européennes. En premier lieu, l'article 13 de la loi du 30 décembre 2004 est passé au crible du fameux article 6 § 1 de la CEDH (V., par exemple, P. Lyon-Caen, « La juridiction prud'homale et l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme », RJS 2003, pp. 936-941). Ce faisant, elle reconnaît implicitement l'applicabilité de l'article 6 § 1 de la CEDH à la HALDE. De cette façon, elle rejette l'interprétation de certaines cours d'appel comme la Cour d'appel de Lyon qui énonce, dans un arrêt du 13 mars 2009 (En ce sens, CA Lyon, ch. soc., 13 mars 2009, Hopital Saint Galmier, RG n° 08/03.450, inédit) une opinion contraire selon laquelle « l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas applicable à la HALDE, qui n'agit pas en tant que juridiction ni comme instance disciplinaire » ; pour celle-ci, « sont dès lors recevables en appel les observations de la HALDE qui a produit des observations en première instance à la demande de la juridiction et a sollicité le droit de faire de même en appel ». A l'inverse, la Cour d'appel de Nîmes, après avoir reconnu l'applicabilité des règles du procès équitable à la HALDE (CA Nîmes, 25 avril 2007, RG n° 06/03.377, BICC n° 674, 15 janv. 2008, n° 80 ; CA Nîmes, ch. soc., 13 oct. 2009, SA Merlin Gerin Ales, RG n° 08/03.535, inédit), énonce que « les dispositions de l'article 6 de la [CEDH] font obstacle à ce que la HALDE puisse, à l'égard d'une même personne physique ou morale, et s'agissant des mêmes faits, exercer tout à la fois les pouvoirs d'une consultation juridique élaborée et construite, après une enquête et la communication de documents d'une partie, et la faculté de demander son audition de plein droit en justice »,

La Haute juridiction a rejeté les griefs selon lesquels la faculté de la HALDE de présenter des observations devant les juridictions porte atteinte au principe du procès équitable (Art. 6 § 1 CEDH). Pour ce faire, les magistrats du Quai de l'Horloge énoncent que « les dispositions de l'article 13 de la loi du 30 décembre 2004, modifiées par la loi du 31 mars 2006, qui, sans être contraires à l'article 13 de la directive n° 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000, prévoient que la HALDE a la faculté de présenter des observations portées à la connaissance des parties, ne méconnaissent pas en elles-mêmes les exigences du procès équitable et de l'égalité des armes ». Pour autant, la chambre sociale conditionne le respect du procès équitable à ce que « les parties [soient] en mesure de répliquer par écrit et oralement à ces observations et que le juge apprécie la valeur probante des pièces qui lui sont fournies et qui ont été soumises au débat contradictoire ». Grâce à cette conciliation, la Haute cour sauve la HALDE des affres de l'article 6 § 1 de la CEDH comme elle avait pu déjà le faire avec la juridiction prud'homale (V. Cass. soc., 19 déc. 2003, deux arrêts : Juris-Data n° 2003-021620 ; TPS 2004, comm.126 ; V. aussi G. Poissonier et J-Ph. Tricoit, « Garanties de l'impartialité de la juridiction prud'homale », TPS 2004, chron. 9 ; Cass. 2e civ., 20 oct. 2005, SEARL Biolaris c/ Barreau et a., n° 03-19.919 : Juris-Data n° 2005-030327, note B. Boubli ; V. sur le rôle des conseillers rapporteurs en matière prud'homale, Cass. soc., 3 mars 2009, Société ESR, n° 07-15.581, Bull. civ., V, n° 54, Dr. ouvrier 2009, pp. 633-634, obs. D. Boulmier). Pourtant, l'utilisation combinée de certains pouvoirs de la HALDE pourrait être considérée comme équivoque au regard des règles du procès équitable (V. CA Nîmes, ch. soc., 13 oct. 2009, SA Merlin Gerin Ales, RG n° 08/03.535, selon laquelle « les dispositions de l'article 6 de la CEDH font obstacle à ce que la HALDE puisse, à l'égard d'une même personne physique ou morale, et s'agissant des mêmes faits, exercer tout à la fois les pouvoirs d'une consultation juridique élaborée et construite, après une enquête et la communication de documents d'une partie, et la faculté de demander son audition de plein droit en justice » ; V. également CA Lyon, préc., ainsi que CA Nîmes, 25 avril 2007, RG n° 06/03.377, BICC n° 674, 15 janv. 2008, n° 80 : « Les dispositions de l'article 6 de la CEDH font obstacles à ce que la HALDE, puisse, à l'égard d'une même personne physique ou morale, et s'agissant des mêmes faits, exercer tout à la fois les pouvoirs de recommandations et la faculté de demander son audition en justice »).

En second lieu, il était reproché à l'article 13 de la loi du 30 décembre 2004 d'être contraire à la directive n° 2000/43/CE qui indique, en son article 13, quels sont les pouvoirs conférés aux « organismes chargés de promouvoir l'égalité de traitement entre toutes les personnes sans discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique ». Aux termes de cette disposition, « les États membres font en sorte que ces organismes aient pour compétence : - sans préjudice des droits des victimes et des associations, organisations et autres personnes morales visées à l'article 7, paragraphe 2, d'apporter aux personnes victimes d'une discrimination une aide indépendante pour engager une procédure pour discrimination ; - de conduire des études indépendantes concernant les discriminations ; de publier des rapports indépendants et d'émettre des recommandations sur toutes les questions liées à ces discriminations. » Sans plus de précisions, la chambre sociale énonce que « les dispositions de l'article 13 de la loi du 30 décembre 2004, modifiées par la loi du 31 mars 2006, [ne sont pas] contraires à l'article 13 de la directive n° 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 ». Sur cette remarque, pour la chambre sociale, la législation française n'entre pas en contradiction avec l'objectif imposé par la directive du 29 juin 2000, et ce, même s'il a été attribué à la HALDE un pouvoir qui n'est pas prévu expressément par la directive. La chambre sociale semble considérer que la faculté de présenter des observations de plein droit devant les juridictions est englobée dans les compétences dont l'« organisme de promotion de l'égalité de traitement » est le dépositaire.


II – L'absence de contrôle de recevabilité de la demande d'audition formulée par la HALDE

 

Selon l'article 13 de la loi du 30 décembre 2004, « les juridictions civiles, pénales ou administratives peuvent, lorsqu'elles sont saisies de faits relatifs à des discriminations, d'office ou à la demande des parties, inviter la haute autorité ou son représentant à présenter des observations. La haute autorité peut elle-même demander à être entendue par ces juridictions ; dans ce cas, cette audition est de droit. » Cette disposition prévoit deux hypothèses d'audition de la HALDE : la première sur invitation de la juridiction de jugement, la seconde à la demande de la HALDE elle-même. Or, dans la décision du 2 juin 2010, la Haute cour devait également répondre à la question de savoir si les juridictions du fond devaient se prononcer sur la recevabilité de l'audition de la HALDE lorsque cette dernière effectue une demande en ce sens. Certaines cours d'appel répondent positivement à cette interrogation. Ainsi, pour la cour d'appel de Nîmes, est « recevable la demande d'audition de la HALDE, dont l'expertise est telle qu'elle peut apporter un approfondissement certain et indiscutable aux débats quant aux circonstances de fait et quant à la portée exacte en la cause [d'une] jurisprudence » (CA Nîmes, ch. soc., 9 févr. 2010, La Poste, RG n° 08/03-582, inédit ; V. également CA Lyon, préc. : sont « recevables en appel les observations de la HALDE qui a produit des observations en première instance à la demande de la juridiction et a sollicité le droit de faire de même en appel »).

Malgré les opinions émises par les juridictions précitées, la Cour de cassation adopte la solution inverse en estimant qu' « en donnant à la HALDE le droit de présenter des observations par elle-même ou par un représentant dont rien n'interdit qu'il soit un avocat, la loi ne lui a pas conféré la qualité de partie ». Il en résulte que les juridictions du fond n'ont pas à se prononcer sur la recevabilité de l'intervention de la HALDE. Il en ressort également que « la loi [n'a pas] conféré [à la HALDE] la qualité de partie ». En revanche, dans la mesure où cette audition constitue un droit pour la HALDE, il est exclu que cette institution soit forcée à intervenir à la demande d'une partie au procès. Ainsi, une juridiction administrative « qui dirige seule l'instruction, n'est pas tenue de faire droit à des conclusions tendant à ce que la HALDE présente des observations » (CAA Bordeaux, 30 juill. 2009, Préfet de la Haute Vienne, Req. n° 08BX00717, inédit), celle-ci ne l'ayant pas demandé expressément. Il peut simplement s'agir d'une invitation à présenter des observations, conformément à l'article 13 de la loi du 30 décembre 2004.

 

Cette solution a été confirmée dans un arrêt du 16 novembre 2010 (Cass. soc., 16 nov. 2010, Association Comité d'expansion économique du Puy-de-Dôme, n° 09-42.956, inédit).

 

Texte de la décision :

 

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

 

La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), représentée par un avocat aux Conseils, a présenté ses observations, par application de l'article 13 de la loi du 30 décembre 2004, modifiée par la loi du 31 mars 2006 ;

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 8 janvier 2001 en qualité d'employé de service de groupage aérien par la société Yusen air & Sea service ; qu'il a été désigné délégué syndical le 19 avril 2005 ; que ce mandat lui a été retiré le 12 avril 2006 ; qu'il a été licencié le 3 mai 2006 ; qu'ayant entre-temps saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement d'heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour perte de droits à repos compensateur, il a présenté en appel de nouvelles demandes tendant à ce que son licenciement soit déclaré nul en raison d'une discrimination syndicale, à ce que sa réintégration soit ordonnée et à ce que la société Yusen air & Sea service soit condamnée à lui verser les salaires qu'il aurait perçus s'il n'avait pas été licencié et des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des mesures discriminatoires dont il avait fait l'objet pendant l'exécution de son contrat de travail et à l'occasion de sa rupture ; que la HALDE a, en vertu d'une délibération prise le 2 juillet 2007 en application de l'article 9 du décret n° 2005-215 du 4 mars 2005, présenté des observations ;

 

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches et le deuxième moyen du pourvoi principal sauf en ce qu'il vise le chef de l'arrêt relatif à la la régularité de l'intervention volontaire de la HALDE :

 

Attendu que la société Yusen air & Sea service fait grief à l'arrêt de dire la procédure régulière, d'annuler le licenciement, d'ordonner la réintégration de M. X... et de la condamner à lui payer des dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

 

1°/ que la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 distingue "les instances compétentes" pour instruire et apprécier les faits de discrimination en vertu des considérants 15 et 22 et du § 5 de l'article 8, "les associations ou les personnes morales" habilitées à engager les procédures pour le compte ou à l'appui d'une victime en vertu du considérant 19 et des articles 7 et 8, et "les organismes" visés à l'article 13 qui, sans préjudice des droits des associations susvisées, sont chargés d'apporter aux personnes victimes d'une discrimination une aide indépendante pour engager une procédure ; qu'en constatant que la HALDE avait procédé à l'instruction du dossier de M. X... en recourant à des procédures exorbitantes du droit commun, qu'elle avait apprécié l'existence d'une discrimination au terme d'une délibération du 2 juillet 2007, qu'elle avait aussi fourni assistance à M. X... en l'aidant à constituer son dossier et enfin qu'elle avait formulé une demande d'intervention volontaire devant le juge judiciaire, la cour d'appel a autorisé la Haute autorité administrative à pratiquer un cumul de fonctions incompatibles entre elles, en violation des dispositions de la directive susvisée et du principe de l'égalité des armes posé par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

 

2°/ que le cumul du dispositif aménageant la preuve au détriment de la partie défenderesse tel que le prévoit l'article 19 de la loi du 30 décembre 2004 et de l'action d'une Haute autorité administrative délibérant sur l'existence des faits de discrimination, assistant le demandeur dans la constitution de son dossier et intervenant à ses côtés dans le procès porte une atteinte manifestement disproportionnée aux principes conventionnels de l'égalité des armes, du procès équitable et de la présomption d'innocence, en violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

 

3°/ qu'il ne résulte d'aucun document de la cause et notamment des productions faites par la HALDE que la société Yusen air & Sea service ait eu connaissance d'un "rapport" émanant de cette Haute autorité, de sorte qu'en énonçant que le contradictoire concernant cette pièce aurait été parachevé par les écritures des parties, sans vérifier qu'un tel document ait été lui-même communiqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des article 16 du code de procédure civile et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'hommes ;

 

4°/ que si, sous le vocable de "rapport" la cour d'appel a entendu se référer à la délibération de la HALDE, exigée en vertu de l'article 9 du décret du 4 mars 2005 pour l'introduction de toute action en justice, aucune des conclusions postérieures à la saisine qui résultait de cet acte ne pouvait venir compenser l'irrégularité de ce délibéré ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé, ensemble, le texte susvisé et l'article 66 du code de procédure civile ;

 

5°/ que la Haute autorité de lutte contre les discriminations, chargée, notamment, en vertu de l'article 5 de la loi du 30 décembre 2004 de "recueillir toute information sur les faits portés à sa connaissance", est une "instance d'instruction" au sens de la directive 2000/43/CE (considérants 15 et 22, article 5.5) de sorte qu'en s'abstenant de rechercher si ladite "instance" avait respecté les principes d'impartialité et d'équité en passant totalement sous silence les pièces produites et par la défenderesse et par le syndicat du délégué, la cour d'appel a violé par refus d'application les textes susvisés ainsi que l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

 

6°/ que tout en affirmant que le caractère équitable du procès aurait, nonobstant la mise à l'écart par la HALDE des pièces favorables à la défense, été rétabli par les conclusions des parties, viole l'article 455 du code de procédure civile, la cour d'appel qui, elle-même, ne fait pas état des explications de la défense et s'abstient d'analyser ou même de mentionner les pièces invoquées par l'employeur notamment celles émanant du syndicat du salarié et se contente de se référer uniquement à la délibération litigieuse de la HALDE ;

 

Mais attendu, d'abord, que la procédure applicable devant les juridictions statuant en matière prud'homale étant orale, les pièces sont présumées, sauf preuve contraire, non rapportée en l'espèce, avoir été communiquées et débattues contradictoirement ;

 

Attendu, ensuite, que la cour d'appel qui a exposé succinctement les prétentions et les moyens de la société Yusen air & Sea service, n'était pas tenue de mentionner les pièces qu'elle écartait ;

 

Attendu, enfin, que les dispositions de l'article 13 de la loi du 30 décembre 2004, modifiées par la loi du 31 mars 2006, qui, sans être contraires à l'article 13 de la directive n° 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000, prévoient que la HALDE a la faculté de présenter des observations portées à la connaissance des parties, ne méconnaissent pas en elles-mêmes les exigences du procès équitable et de l'égalité des armes dès lors que les parties sont en mesure de répliquer par écrit et oralement à ces observations et que le juge apprécie la valeur probante des pièces qui lui sont fournies et qui ont été soumises au débat contradictoire ;

 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

Et sur le troisième moyen du pourvoi principal :

 

Attendu que la société Yusen air & Sea service fait grief à l'arrêt d'annuler le licenciement, d'ordonner la réintégration de M. X... et de la condamner à lui payer des dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que toute personne a droit à la liberté d'expression en vertu de la constitution de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; qu'en estimant cependant que les courriers adressés par l'entreprise les 27 avril, 23 juin et 7 juillet 2005 pour informer le syndicat désignataire des difficultés suscitées par son délégué, M. X... au sein de l'entreprise dans le cadre de son mandat, sans relever aucune atteinte à la réputation de l'intéressé, ni contester l'existence des faits avancés, seraient constitutifs, par eux-mêmes, d'une discrimination, la cour d'appel a violé le texte susvisé, l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par fausse application les articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

2°/ que les syndicats sont souverains pour délivrer et révoquer les mandats syndicaux ; qu'en caractérisant la discrimination dont aurait été victime M. X... par la décision de dé-mandatement qu'elle aurait obtenue de la CFE-CGC, sans indiquer par quels procédés ce syndicat aurait été contraint de renoncer à son autonomie pour prendre la décision du 12 avril 2005 et sans même examiner les raisons déclarées par ce syndicat, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale tant au regard des articles 1165 et 2003 du code civil, que des articles L. 2141-5 et L. 2143-3 du code du travail ;

3°/ que lorsque survient un litige relatif à l'existence d'une discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que le principe constitutionnel du respect des droits de la défense commande que l'employeur accusé de discrimination puisse, quand le juge du fond estime qu'une apparence de discrimination a été établie par le salarié, rapporter des éléments objectifs afin de montrer que l'accusation dont il est l'objet est infondée ; qu'en admettant même que les courriers adressés au syndicat aient pu créer une apparence de discrimination, il incombait aux juges de rechercher si les griefs invoqués dans la lettre de licenciement à l'encontre des salariés ne justifiaient pas objectivement la décision litigieuse, et qu'en s'en dispensant expressément, la cour d'appel, qui se contente de la démonstration de la HALDE, a privé l'employeur de tout moyen de défense en violation de l'article 19 de la loi du 30 décembre 2004, ainsi que des articles L. 122-45 et L. 412-2 du code du travail ;

 

Mais attendu qu'il résulte de l'arrêt que M. X... a été licencié notamment en raison de propos jugés diffamatoires tenus à l'égard de collaborateurs de l'entreprise soit lors de réunions du comité d'entreprise soit dans une lettre du 18 novembre 2005 à en-tête du syndicat auquel il appartenait ; que, dès lors que le motif ainsi invoqué, qui laisse supposer l'existence d'une discrimination en raison des activités syndicales du salarié, se rapporte à des faits commis pendant la période de protection dont bénéficiait l'intéressé, ce qui exclut que le juge judiciaire puisse vérifier si ces faits étaient réels et constituaient des éléments objectifs étrangers à toute discrimination susceptibles de justifier la rupture par l'employeur du contrat de travail, ce motif du licenciement, tiré des activités syndicales du salarié, emporte à lui seul la nullité du licenciement ; que, par ce motif de pur droit, substitué après avis donné aux parties par application de l'article 1015 du code de procédure civile à ceux critiqués, la décision se trouve légalement justifiée ;

 

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi principal de la société Yusen air & Sea service en ce qu'il vise le chef de l'arrêt déclarant recevable l'intervention de la HALDE :

 

Vu les articles 31, 66, 330 du code de procédure civile et 13 de la loi du 30 décembre 2004, modifiée par la loi du 31 mars 2006 ;

 

Attendu, aux termes du dernier de ces textes, que les juridictions civiles , pénales ou administratives peuvent, lorsqu'elles sont saisies de faits relatifs à des discriminations, d'office ou à la demande des parties, inviter la haute autorité ou son représentant à présenter des observations ; que la haute autorité peut elle-même demander à être entendue par les juridictions civiles ; que, dans ce cas, cette audition est de droit ; qu'en donnant à la HALDE le droit de présenter des observations par elle-même ou par un représentant dont rien n'interdit qu'il soit un avocat, la loi ne lui a pas conféré la qualité de partie ;

 

Que la cour d'appel qui, alors qu'elle devait se borner à entendre la HALDE en ses observations, a déclaré son intervention recevable, a violé les textes susvisés ;

 

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en statuant sans renvoi de ce chef, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

 

Et sur le moyen unique du pourvoi incident de M. X... :

 

Vu l'article L. 3121-22 du code du travail, ensemble l'article L. 3171-4 du même code ;

 

Attendu que pour débouter M. X... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, congés payés et repos compensateur afférents, la cour d'appel retient que l'employeur a subordonné le paiement des heures supplémentaires à son accord préalable donné au vu d'une demande d'exécution d'heures supplémentaires présentée par le responsable du service et que, dans ces conditions, les fiches de pointages de M. X... ne suffisent pas à établir qu'il avait l'accord de l'employeur pour l'accomplissement d'heures supplémentaires ;

 

Qu'en statuant ainsi, alors que l'absence d'autorisation préalable n'excluait pas en soi un accord tacite de l'employeur et qu'il résultait de ses constatations que celui-ci qui avait eu connaissance, par les fiches de pointage, des nombreuses heures supplémentaires effectuées par le salarié à l'exécution desquelles il ne s'était pas opposé, avait consenti à leur réalisation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il qualifie d'intervention la présentation d'observations par la HALDE et la déclare recevable et en ce qu'il déboute M. X... de sa demande de paiement d'heures supplémentaires, d'indemnité de congés payé afférents et de repos compensateur, l'arrêt rendu le 12 décembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

 

Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de l'arrêt rendu le 12 décembre 2007 en ce qu'il dit l'intervention de la HALDE régulière ;

 

Dit que la HALDE n'a pas la qualité de partie ;

 

Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée pour qu'il soit statué sur les points restant en litige ;

 

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille dix.

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