Indemnisation de la victime mineure et textes internationaux (CEDH et Convention sur les droits de l'enfant)

Publié le par Jean-Philippe Tricoit

Cass. 2e civ., 9 déc. 2010, Président du conseil général de Vaucluse, n° 09-71202, Publié.

 

En l'espèce, un enfant mineur a été victime de violences physiques commises par son père. Ce dernier a été sanctionné pénalement pour ces violences. De plus, il a été condamné au paiement d'une indemnité au profit du président du Conseil général du Vaucluse, "la garde de l'enfant ayant été confiée au service départemental de l'aide sociale à l'enfance". En qualité d'administrateur ad hoc, le président du Conseil général saisi une commission d'indemnisation des victimes (CIVI) pour obtenir le versement de l'indemnisation due à l'enfant en réparation du préjudice subi. Il est débouté de ses demandes en appel.

Devant la Cour de cassation, le pourvoi énonce que les "articles 19 et 20 de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant et [les] articles 3 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales" prévoient "que l'enfant mineur qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte à la personne et qui, se trouvant dans une situation psychologique grave, ne peut être indemnisé à un autre titre, doit être indemnisé par le Fonds sans qu'il soit nécessaire qu'une incapacité totale de travail ait été fixée lors de l'instance pénale ayant abouti à la condamnation de l'auteur de l'infraction". Cette argumentation est rejetée par la deuxièmeme chambre civile de la Cour de cassation car "Il ne résulte ni des conclusions du président du conseil général de Vaucluse ni de l'arrêt qu'une quelconque violation des dispositions tant de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant que de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été invoquée devant les juges du fond". Autrement dit, les textes internationaux ne peuvent être, en principe, relevé d'office par les juges du fond.

 

Texte de l'arrêt :

 

Sur le moyen unique :

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 21 février 2008), que la jeune Yousra X..., alors âgée de 8 ans, a été victime de violences physiques commises par son père ; que celui-ci a été pénalement sanctionné pour ces faits ; qu'il a, en outre, été condamné à verser au président du conseil général la somme de 750 euros, la garde de l'enfant ayant été confiée au service départemental de l'aide sociale à l'enfance ; que, le président du conseil général de Vaucluse, en qualité d'administrateur ad hoc de l'enfant Yousra X..., a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et autres infractions, à l'effet d'obtenir du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le Fonds) la somme de 3 000 euros à titre d'indemnisation ;

 

Attendu que le président du conseil général, ès qualités, fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, alors, selon le moyen :

 

1°/ qu'il résulte des articles 706-3 et 706-14 du code de procédure pénale qu'un droit à indemnisation est ouvert pour les victimes de l'infraction pénale d'atteinte à la personne humaine qui ne peuvent être indemnisées à un autre titre et qui sont dans une situation psychologique grave, l'article 706-14 ayant élargi l'indemnisation aux personnes les plus démunies ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui constate que l'enfant mineur Yousra X..., alors âgée de 8 ans, a été victime de violences de la part de son père déclaré coupable de l'infraction de violence prévue par les articles 222-13, alinéa 1, 10° et 132-75 du code pénal et qu'elle a subi une mesure de placement, devait nécessairement en déduire qu'en l'état de l'impossibilité pour cette enfant d'obtenir à un titre quelconque la réparation de son préjudice, de sa situation psychologique grave résultant de l'infraction dont elle a été victime, elle avait droit à réparation au titre de l'indemnisation des victimes d'atteinte à la personne humaine ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés ;

 

2°/ qu'il résulte des articles 19 et 20 de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant et des articles 3 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que l'enfant mineur qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte à la personne et qui, se trouvant dans une situation psychologique grave, ne peut être indemnisé à un autre titre, doit être indemnisé par le Fonds sans qu'il soit nécessaire qu'une incapacité totale de travail ait été fixée lors de l'instance pénale ayant abouti à la condamnation de l'auteur de l'infraction ; qu'en excluant l'indemnisation de la victime mineure dans une telle hypothèse d'atteinte à la personne, à raison de l'absence d'incapacité totale de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

 

Mais attendu qu'ayant constaté que les faits pour lesquels le père de la victime a été condamnée n'ont pas entraîné une incapacité totale de travail pour l'enfant, au sens de l'article 706-14, dernier alinéa, du code de procédure pénale, la cour d'appel en a exactement déduit que les conditions d'une indemnisation par le Fonds des préjudices résultant éventuellement des atteintes à la personne de la mineure n'étaient pas remplies ;

 

Et attendu qu'il ne résulte ni des conclusions du président du conseil général de Vaucluse ni de l'arrêt qu'une quelconque violation des dispositions tant de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant que de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été invoquée devant les juges du fond ;

 

D'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit et comme tel irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du président du conseil général de Vaucluse, ès qualités ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille dix.

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