Autonomie de la clause attributive de compétence

Publié le par Jean-Philippe Tricoit

Cass. 1re civ., 8 juill. 2010, Société Bluebell Trading Company, n° 07-17.788, publié.

 

La clause attributive de compétence, en raison de son autonomie par rapport à la convention principale dans laquelle elle s'insère, n'est pas affectée, par l'inefficacité de cet acte.

 

Texte de la décision :

 

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

 

Sur le moyen unique :

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 janvier 2007), que la société Bluebell Trading Company (la société Bluebell), après avoir souscrit une convention de compte auprès de la banque du Gothard, devenue la société J. Safra (la banque), l'a fait assigner, ainsi que M. X... , qui avait été le préposé de la banque, en responsabilité devant un tribunal de grande instance ; que se prévalant d'une clause attributive de compétence au profit des juridictions monégasques, la banque a soulevé l'incompétence du tribunal saisi ;

 

Attendu que la société Bluebell fait grief à l'arrêt de dire le tribunal de grande instance de Paris incompétent pour connaître des demandes qu'elle forme contre la banque, alors, selon le moyen :

 

1° / que l'exception d'incompétence doit être soulevé in limine litis avant toute défense au fond ; qu'en l'espèce, avant de soulever l'exception d'incompétence du tribunal de grande instance de Paris au profit des juridictions monégasques, la Banque avait abordé le fond de l'affaire en exposant dans ses premières conclusions (p. 3) que la thèse, suivant laquelle la société Bluebell, dans le courant de l'année 2000, avait été « fortuitement informée de la dissipation de quasi-intégralité de ses actifs » qui était due à des fautes commises par la BDGM, était « une contre-vérité choquante, tout à fait significative de la mauvaise foi des consorts X... qui sont au contraire intervenus de manière permanente dans le fonctionnement de ce compte, qu'ils ont ouvert au nom de la société-écran qu'ils ont constituée à leur profit aux Iles Vierges Britanniques, leurs fils utilisant ses fonctions au sein de la banque pour passer les ordres de mouvement » ; qu'elle avait ainsi exposé directement, et préalablement à l'exception d'incompétence, un moyen de fond à la thèse sur laquelle reposaient l'assignation de la société Bluebell et ses demandes de condamnation ; qu'en retenant néanmoins que l'exception d'incompétence avait été soulevé in limine litis par ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 71 du nouveau code de procédure civile, ensemble l'article 74 du même code ;

 

2° / que la nullité d'un contrat entraîne la nullité de la clause attributive de compétence qui y est stipulée ; qu'en l'état de la nullité du contrat d'ouverture de compte arguée par la Banque, la cour d'appel devait rechercher si cette nullité n'entrainait pas la nullité de la clause attribuant compétence aux juridiction monégasques pour connaître du ligie s'y rapportant ; qu'en s'abstenant de procéder à une telle recherche, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1172 du code civil ;

 

3° / que s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux et la clause attribuant compétence à une autre juridiction ne peut produire effet dès lors qu'elle n'est pas opposable à tous les défendeurs et qu'il existe une indivisibilité entre les demandes formées contre eux ; qu'en l'espèce, pour dénier toute indivisibilité entre les demandes formées par la société Bluebell contre M. X... et la Banque, la cour d'appel s'est fondée uniquement sur l'existence de liens filiaux et de communauté d'intérêts entre les parents X..., titulaires des actifs de la société Bluebell, et leur fils ; que toutefois l'action n'avait pas été engagée par les parents X... mais par la société Bluebell dont la cour d'appel n'a pas caractérisé le caractère fictif ou transparent ; que la cour d'appel a donc privé son arrêt de base légale au regard des articles 42 et 48 du nouveau code de procédure civile ;

 

4° / qu'en l'espèce l'un des défendeurs, M. X... , était le préposé de l'autre défendeur, la Banque, lequel lui reprochait également des fautes commises à l'origine de la dissipation de fonds ; qu'il était constant, comme la cour d'appel l'a relevé, que la banque avait imputé à M. X... une responsabilité pendant qu'il était son préposé ; qu'il s'en déduisait une indivisibilité entre les demandes ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 42 du nouveau code procédure civile ;

 

Mais attendu d'abord, qu'ayant relevé que la banque n'avait, dans ses conclusions, tiré aucune conséquence du rappel des faits faisant état de la mauvaise foi des consorts X... , la cour d'appel a exactement retenu que l'exception d'incompétence avait été soulevée avant toute défense au fond ;

 

Attendu, ensuite, qu'une clause attributive de compétence, en raison de son autonomie par rapport à la convention principale dans laquelle elle s'insère, n'est pas affectée, par l'inefficacité de cet acte ; qu'ayant relevé que la convention de compte comportait une clause attributive de compétence, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

 

Attendu enfin, qu'ayant relevé, par motifs non critiqués, qu'aucun grief n'était formé par la société Bluebell contre M. X... dont la demande formée à son encontre, dénuée de sérieux, excluait qu'elle soit indivisible de celle formée à l'encontre de la banque, la cour d'appel abstraction faite du motif surabondant critiqué à la troisième branche, a pu en déduire que le tribunal de grande instance de Paris n'était pas compétent pour statuer sur les demandes formées contre la banque ; que le moyen n'est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne société Bluebell Trading Company aux dépens ;

 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Bluebell Trading Company et la condamne à payer à la société J. Safra la somme de 4 000 euros ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille dix.

 

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