Clause de conciliation facultative (Cass. soc., 13 janv. 2010, n° 08-18202)

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Cass. soc., 13 janv. 2010, n° 08-18202, Bull. civ., V, n° 10, Rev. transp. n° 7, juill. 2010, Comm. n° 162, pp. 29-30, note S. Carré.

 

Dès lors qu'un accord collectif ne confère aucun caractère obligatoire au préliminaire de conciliation qu'il institue, des syndicats peuvent saisir directement le juge de demandes en exécution ou en interprétation de cet accord. Doit dès lors être rejeté le pourvoi formé contre un arrêt de cour d'appel qui déclare recevables de telles demandes malgré l'absence de saisine préalable de l'instance conventionnelle de conciliation.

 

Texte de la décision

 

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 juin 2008), que le Syndicat national du personnel navigant commercial (SNPNC) et l'Union des navigants de l'aviation civile (UNAC) ont assigné la société Air France afin de faire juger que le temps consacré par les membres du personnel navigant commercial à l'obtention du visa professionnel nécessaire aux vols longs courriers à destination des Etats-Unis d'Amérique constitue un temps de travail et que les conséquences en soient tirées, notamment en matière de rémunération ; que les syndicats des ingénieurs cadres techniciens agents de maîtrise et navigant UGICT-CGT Air France, le syndicat CFDT groupe Air France SPASAF et l'Union syndicale d'Air France (UNSA AF) se sont joints à l'instance ;

 

Sur le premier moyen :

 

Attendu que la société Air France fait grief à l'arrêt de dire recevables les demandes formées par les syndicats SNPNC, UNSA-AF et SPASAF-CFDT, alors, selon le moyen :

 

1°/ que l'accord collectif du personnel navigant commercial 2003-2008, conclu le 23 décembre 2002 entre la société Air France et diverses organisations syndicales, dont les syndicats SNPNC, UNSA-AF et SPASAF-CFDT, organise une procédure de conciliation en cas de différend lié à l'application ou à l'interprétation de ses dispositions ; qu'il est expressément stipulé dans cet accord que "les parties signataires soucieuses d'éviter tout contentieux néfaste à l'objectif de relations sociales stables poursuivi par le présent accord conviennent de se rencontrer selon la procédure décrite ci-après en cas de différend lié à l'application ou à l'interprétation des dispositions de l'accord et de ses éventuels avenants", que "les parties s'abstiennent pendant la durée de la conciliation de toute action dont la nature risquerait d'aggraver le différend" et qu'"en cas de non conciliation à l'issue de la procédure de conciliation prévue ci-dessus, les dispositions du code du travail relatives aux procédures de règlement des conflits collectifs du travail s'appliquent" ; qu'il en résulte nécessairement que la mise en oeuvre de cette procédure de conciliation constitue un préalable obligatoire, pour les parties signataires de l'accord, à toute action contentieuse portant sur l'application ou l'interprétation de cet accord ; qu'en jugeant néanmoins que le préalable de conciliation prévu par cet accord ne revêtait pas un caractère obligatoire, la cour d'appel a violé l'accord collectif susvisé du 23 décembre 2002 ;

 

2°/ que la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge est licite ; que sa mise en oeuvre constitue une fin de non-recevoir qui s'impose aux juges lorsqu'une partie l'invoque ; qu'ainsi, est licite la clause d'un accord collectif qui fait obligation aux parties signataires, en cas de différend portant sur l'application ou l'interprétation de cet accord, de suivre une procédure de conciliation avant de saisir le juge civil ; que l'action d'un syndicat signataire est par conséquent irrecevable dès lors que la procédure de conciliation préalable prévue par cet accord n'a pas été respectée ; qu'en décidant néanmoins que le préalable de conciliation prévu par l'accord collectif du 23 décembre 2002 ne pouvait en tout état de cause faire obstacle au libre accès aux juridictions compétentes, pour rejeter la fin de non-recevoir invoquée par la société Air France et dire que l'action des syndicats SNPNC, UNSA-AF et SPASAF-CFDT fondée sur cet accord était recevable malgré le non-respect de la procédure de conciliation préalable prévue par cet accord, la cour d'appel a violé les articles 122 et 124 du code de procédure civile, ensemble l'article 1134 du code civil ;

 

Mais attendu qu'il ne résulte pas de la clause litigieuse que le préliminaire de conciliation était obligatoire ;

 

Que le moyen n'est pas fondé ;

 

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, réunis :

 

[...]

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne la société Air France aux dépens ;

 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Air France à payer à l'Union des navigants de l'aviation civile, au Syndicat national du personnel navigant commercial, au Syndicat UGIC-CGT Air France, au Syndicat CFDT groupe Air France SPASAF et à l'Union syndicale d'Air France, la somme globale de 2 000 euros ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille dix.

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