FGTI, transaction homologuée et force exécutoire

Publié le par Jean-Philippe Tricoit

Cass. 2e civ., 31 janv. 2019, n° 17-28.708, inédit.

Observations : Dans une décision du 31 janvier 2019 (Cass. 2e civ., 31 janv. 2019, n° 17-28.708, inédit), le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) verse différentes indemnités en exécution de transactions homologuées au profit de victimes parties civiles ayant reçu réparation de leurs préjudices.
Le FGTI demande la saisie de l'un des auteurs d'infraction, considérant être subrogé dans les droits des victimes.
La requête du FGTI est rejetée au motif que "ce dernier agit en remboursement des sommes qu'il a allouées aux victimes dans le cadre de transactions et que, ce faisant, il ne peut agir contre l'auteur des infractions sur le seul fondement de l'arrêt de la cour d'assises [...] comme constituant un titre exécutoire lui permettant d'exercer son recours subrogatoire". Selon la juridiction de première instance, le FGTI étant dépourvu de titre exécutoire, il ne pouvait obtenir le remboursement des "sommes qu'il a payées en exécution des transactions intervenues avec les victimes".
A ce sujet, l'homologation confère à la transaction qui en est revêtue le caractère exécutoire. Conformément à l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, seuls constituent des titres exécutoires, notamment, "les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire" (1°), ainsi qu'à titre indicatif "les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties" (3°).

Toutefois, tout contentieux ultérieur n'est pas irrecevable. La Cour de cassation a ainsi jugé que "l’homologation d’un accord transactionnel qui a pour seul effet de lui conférer force exécutoire ne fait pas obstacle à une contestation de la validité de cet accord devant le juge de l’exécution" (Cass. 2e civ., 28 sept. 2017, n° 16-19.184). De même, le contentieux en cours n'est pas achevé automatiquement par la conclusion d'une transaction. Il sera ainsi noté que "lorsqu’en cours d’instance les parties mettent fin au litige par une transaction, la juridiction saisie est compétente pour en ordonner l’exécution" (Cass. 2e civ., 12 juin 1991, n° 90-14.841).

Cependant, cette homologation n'est en rien le fondement invocable pour faire exécuter la condamnation civile vis-à-vis de l'auteur de l'infraction.

En vérité, l'article 706-11 du code de procédure pénale prévoit un recours subrogatoire au profit du FGTI. Cela étant, encore faut-il qu'une action récursoire contre l'auteur de l'infraction soit engagée par le FGTI afin de disposer d'un titre exécutoire. A défaut d'action de la part du FGTI, ce dernier ne peut pas obtenir le remboursement en se fondant uniquement sur la condamnation de l'auteur (Cass. 2e civ., 5 févr. 2004, n° 02-14.324 ; Bull. civ. , II, n° 46 ; Resp. civ. et assur. 2004, comm. 141).

Dans l'espèce du 31 janvier 2019, cette action récursoire a été effectuée par le FGTI avec comme fondement l'arrêt de la cour d'assises, ce qui est suffisant pour l'octroi d'un titre exécutoire. Pour la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, "le FGTI disposait d'un arrêt définitif émanant de la juridiction répressive dont il pouvait se prévaloir, comme subrogé dans les droits des victimes, afin d'obtenir le recouvrement des indemnités versées en exécution des constats d'accord homologués dans la limite des réparations mises à la charge du responsable" (Cass. 2e civ., 31 janv. 2019, n° 17-28.708, inédit).

Effectivement, aux termes de l'article 706-11 du code de procédure pénale, dont la constitutionnalité n'a pas été attaquée (Cass. 2e civ., 9 déc. 2010, n° 10-17.884 ; Resp. civ. et assur. 2011, comm. 63), "lorsque l'auteur de l'infraction a fait l'objet d'une obligation d'indemnisation de la victime dans le cadre d'une peine de sanction-réparation, d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'une décision d'aménagement de peine ou de libération conditionnelle et que la victime a été indemnisée par le fonds, [...], cette obligation doit alors être exécutée au bénéfice du fonds de garantie dans l'exercice de son recours subrogatoire et de son mandat de recouvrement au profit de la victime."
L'arrêt du 31 janvier 2019 en est une illustration.

Arrêt :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 706-11 du code de procédure pénale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la cour d'assises du Val d'Oise, statuant sur intérêts civils, a condamné M. X..., par un arrêt du 28 septembre 2006, à payer diverses sommes aux parties civiles dont certaines ont obtenu, en réparation de leurs préjudices, le versement par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) de diverses indemnités en exécution de différentes transactions homologuées ; que le FGTI a saisi un tribunal d'instance d'une requête en saisie des rémunérations de M. X... ;

Attendu que pour rejeter la demande formée par le FGTI, l'arrêt retient que ce dernier agit en remboursement des sommes qu'il a allouées aux victimes dans le cadre de transactions et que, ce faisant, il ne peut agir contre l'auteur des infractions sur le seul fondement de l'arrêt de la cour d'assises du 28 septembre 2006 comme constituant un titre exécutoire lui permettant d'exercer son recours subrogatoire et qu'il lui appartient d'obtenir un titre exécutoire condamnant M. X... à lui rembourser les sommes qu'il a payées en exécution des transactions intervenues avec les victimes ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le FGTI disposait d'un arrêt définitif émanant de la juridiction répressive dont il pouvait se prévaloir, comme subrogé dans les droits des victimes, afin d'obtenir le recouvrement des indemnités versées en exécution des constats d'accord homologués dans la limite des réparations mises à la charge du responsable, ce dont il résultait que la demande de saisie se fondait sur un titre exécutoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-neuf.

 

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