Portée d'une transaction à l'égard des tiers

Publié le par Jean-Philippe Tricoit

Cass. 1re civ., 3 mars 2011, Gambert c/ Toutet et al., n° 10-10.728, inédit.

 

Si, selon l'article 2051 du code civil, la transaction faite par l'un des intéressés ne lie point les autres et ne peut être opposée par eux, ceux-ci peuvent néanmoins se prévaloir de la renonciation à un droit que cette transaction renferme.

 

Texte de la décision :

 

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

 

Sur le moyen unique :

Attendu que Mme X... et M. Y..., ex-concubins qui, en 1999, avaient créé entre eux une société en nom collectif pour exploiter un commerce de bar tabac, dont Mme X... détenait 51 % des parts et était la gérante, se sont séparés en 2005 ; que, par acte authentique du 3 août 2005, Mme X... à cédé à M. Y... les parts sociales qu'elle détenait dans cette société ; qu'ultérieurement elle a fait assigner la société afin d'obtenir paiement d'une indemnité pour sa gérance ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt (Montpellier, 13 octobre 2009) de l'avoir déboutée de cette demande alors, selon le moyen :

1°/ que la transaction faite par l'un des intéressés ne lie point les autres intéressés et ne peut être opposée par eux ; qu'en l'espèce, il résulte expressément de l'acte de cession de parts du 3 août 2005, dont les termes ont été reproduits par l'arrêt attaqué que la transaction a été conclue exclusivement entre « Jeanne Z... X... et Louis Y... personnes physiques » ; qu'en se fondant sur cette transaction pour dire que Mme X... n'aurait pu réclamer à la SNC Bar Tabac Le Laguiolais une rémunération pour sa gérance exercée du 1er janvier 1999 au 14 mai 2005, la cour d'appel a violé les articles 2051 et 1134 du code civil ;

2°/ qu'en se fondant sur l'acte de cession précité pour dire que « la SNC » n'aurait pas été « dissociable des comptes faits entre les ex-concubins », aux motifs notamment que Mme Z... X... apparaîtrait « à la première page de l'acte, en qualité de gérant de société », la cour d'appel a dénaturé ledit acte et violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que l'existence de concessions réciproques conditionnent la validité d'une transaction qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier ; qu'en se bornant à dire que « des concessions ont été faites de part et d'autre » sans les préciser ni les analyser, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134, 2044 et 2052 du code civil ;

4°/ et qu'en toute hypothèse, la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'un acte manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en l'espèce si, par l'acte de cession de parts du 3 août 2005, Mme Z... X... s'était engagée à ne réclamer aucune somme à son ex-concubin M. Y..., tant professionnelle que personnelle, elle n'avait nullement renoncé à réclamer à la personne morale SNC Bar Tabac Le Laguiolais qu'elle avait dirigée, sa rémunération à titre de gérance exercée du 1er janvier 1999 au 14 mai 2005 ; qu'en déduisant néanmoins dudit acte une prétendue renonciation qui ne pouvait qu'être équivoque à l'égard de la SNC, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que si selon l'article 2051 du code civil, la transaction faite par l'un des intéressés ne lie point les autres et ne peut être opposée par eux, ceux-ci peuvent néanmoins se prévaloir de la renonciation à un droit que cette transaction renferme ;

Et attendu que, par une interprétation nécessaire des termes ambigus de l'acte litigieux, la cour d'appel a constaté que si celui-ci avait été passé entre les intéressés, personnes physiques, il prenait aussi en considération la situation de la société dès lors que Mme X..., qui y figurait en première page comme gérante de société, avait expressément renoncé à réclamer quoi que ce soit tant dans le domaine professionnel que personnel, que cette renonciation faisait suite à des lettres des 21 et 22 juillet 2005 dans lesquels elle envisageait de faire un tout des conséquences financières de la rupture de leur couple et de la rupture professionnelle et que cette renonciation était assortie de concessions réciproques dûment négociées qui figuraient à l'acte dont elle avait rappelé la teneur ; que de l'ensemble de ces éléments elle a pu déduire que ledit acte emportait renonciation de la part de Mme X... à une quelconque indemnité de gérance ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X..., divorcée Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X..., épouse divorcée Z... ; la condamne à payer à la SNC Bar Tabac Le Laguiolais et à M. Y... la somme totale de 3 000 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille onze.

 

Publié dans MARC (Transaction)

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