Renvoi préjudiciel, RSI et champ d'application du droit européen en matière de protection sociale

Publié le par Jean-Philippe Tricoit

Cass. 2e civ., 19 janv. 2017, Caisse nationale du Régime social des indépendants Aquitaine, n° 15-18635, inédit.

Peut-on imposer aux juridictions françaises de renvoyer une question préjudicielle devant la CJUE ? Le renvoi préjudiciel institué par l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) dépend de la nature de la question posée et de la juridiction saisie.

Sans entrer dans les détails, il convient de rappeler que les juridictions nationales qui ne statuent pas en dernier ressort n’ont pas l’obligation de transmettre ce renvoi à la CJUE, et ce, même si l’une des parties le demande. Au contraire, lorsqu'elles statuent en dernier ressort (ce qui est normalement le cas pour la Cour de cassation), le renvoi préjudiciel est requis (Si vous voulez entrer dans les détails - mais de façon synthétique ; il ne faut pas abuser des bonnes choses -, cliquer ici)

En dépit de son caractère obligatoire, ce renvoi n'est pas automatique. La juridiction conserve une marge d'appréciation comme l'affirme un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 19 janvier 2017 (Cass. 2e civ., 19 janv. 2017, Caisse nationale du Régime social des indépendants Aquitaine, n° 15-18635, inédit). Aux termes de cette décision, "si l'article 267 du TFUE rend obligatoire le renvoi préjudiciel devant la CJUE lorsque la question est soulevée devant une juridiction dont la décision n'est pas susceptible d'un recours juridictionnel en droit interne, cette obligation disparaît dans le cas où la question soulevée n'est pas pertinente".

Pour autant, l'appréciation de la pertinence n'est pas arbitraire et la juridiction doit se justifier quant à cette dernière. C'est en ce la que la décision du 19 janvier 2017 est intéressante en matière de protection sociale. L'arrêt nous enseigne que, conformément à la jurisprudence européenne (CJCE, 17 févr. 1993, Poucet et Pistre, aff. C-159/91 et C-160/91 ; CJCE, 16 mars 2004, AOK-Bundesverbandf et al,, aff. C-264/01, C-306/01, C-354/01 et C-355/01 ; CJCE, 27 oct. 2005, Casino France c/.Organic, aff. C-266/04 ; V. aussi CJCE, 26 mars 1996, José Garcia et al., aff C-238/94, sur le fondement de la directive 92/49/CEE du Conseil, du 18 juin 1992), "le caractère obligatoire de l'assujettissement aux régimes de sécurité sociale des travailleurs indépendants des professions non agricoles [n'est] pas incompatible avec les règles [...] du droit de l'Union européenne". Or, les régimes de sécurité sociale n'étant pas des entreprises, elles échappent aux règles régissant celles-ci. Ainsi, "les régimes de sécurité sociale qui sont fondés sur le principe de solidarité ne revêtent pas le caractère d'une entreprise", de sorte que les organismes qui pourvoient à la gestion de tels régimes ne sont pas compris dans le champ d'application" des textes du droit de l'Union européenne en matière de concurrence ou d'assurance (V. art. 105, 106 et 107, TFUE ; ainsi que la directive 92/49/CEE du Conseil, du 18 juin 1992).

 

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